Dans le cadre du concours “Mémoire de la seconde guerre mondiale en Moselle” organisé par l’ONAC en partenariat avec le Conseil Général de la Moselle et l’Inspection Acdémique de la Moselle en 2003-2004, la classe de CM2 de l’école de Tromborn a étudié l’histoire du village sur la période 1939-1950.

Les faits marquants de l’histoire locale reposent sur l’évacuation de la population dans la Vienne, la destruction totale du village, sa reconstruction et l’enrôlement des “Malgré-Nous”.

Pour mener ce travail, les élèves ont recueilli les témoignages des anciens du village, recherché des photos anciennes, comparé les plans ancien et actuel, étudié le contexte historique.

Les TICE ont permis de réaliser la production finale constituée d’un écrit documentaire et d’une vidéo de 15 minutes.

Ce travail, récompensé par l’attribution du premier prix dans la catégorie école, a fait l’objet d’une présentation aux habitants du village

I. Un peu de géographie…

1. Où est Tromborn ?

Tromborn est un petit village mosellan, situé au Nord-Est de Boulay, sur l’axe

Metz-Saarlouis, à cinq kilomètres de la frontière allemande.

ˆ

«

1-

La particularité du village est son altitude, le village culmine à 384 m, et offre

un panorama sur toute la vallée de la Nied.

C’est pour ces raisons que l’on y trouve un site d’orientation à partir duquel le

promeneur a un point de vue privilégié sur le paysage. Des sentiers de

randonnées transfrontalières sont également répertoriés sur une carte.

Cette géographie particulière, qui aujourd’hui constitue un avantage, a été à

l’origine de la triste histoire qui a conduit à la destruction totale du village.

-2-

2. La population de Tromborn de 1939 à aujourd’hui

Durant la période 1939 à 1945, il n’y avait aucun habitant à Tromborn, à

l’exception du gestionnaire et des prisonniers de guerre russes.

En 1946 sur les 364 habitants que comptait le village avant l’évacuation, 117

étaient de retour au village.

-3-

3. Tromborn avant 1939

Tromborn n’a pas toujours été comme aujourd’hui.

Voici le plan du village avant la seconde guerre mondiale.

Jusqu’en 1939, il y avait deux écoles dans le village : une pour les filles et une

autre pour les garçons.

Il y avait trois auberges, deux épiceries, une boulangerie, un confiseur, un

carrossier, un forgeron, un charron, un menuisier, un plâtrier ainsi qu’une sagefemme.

L’église avait la forme des églises du Moyen-Age : on y distingue la nef et le

choeur.

La mairie était dans le même bâtiment que l’école des garçons.

Les trois fontaines (une est située en dehors du plan) permettaient aux habitants

de faire boire les animaux. Ce sont ces trois fontaines qui ont donné son nom au

village et également son blason.

-4-

II. Le 1er septembre 1939, un tournant dans la vie du village

1. La ligne Maginot

En 1930, devant les menaces d’agression de la part de l’Allemagne, la France a

été amenée à construire une ligne de fortifications s’étendant des Ardennes

jusqu’à la Suisse, tout au long de la frontière.

Cela impliquait que la zone déclarée « Zone Rouge » devait être évacuée en cas

de conflit et Tromborn était dans cette zone.

-5-

2. Le 1er septembre 1939 : l’évacuation et le départ pour la Vienne

Toute la zone rouge a du être évacuée. On pouvait voir sur les routes de longues

files de voitures attelées de chevaux sur lesquelles avaient pris place des

évacués.

Le voyage à pied et en charrette jusqu’à Thiaucourt en Meurthe-et-Moselle a

duré 8 jours avec cinq étapes : Varize, Sorbey, Pommérieux, Novéant-sur-

Moselle, Thiaucourt.

Tout le monde a dû quitter les voitures. Les chevaux et les voitures y sont restés

sous la surveillance de l’armée.

Les évacués avaient emporté des victuailles pour 8 jours et des vêtements. Ils ne

pouvaient emporter que le strict minimum estimé à 30 kg par personne. Tout le

reste a dû être abandonné au village.

-6-

3. Les Trombornois réfugiés à Brigueil-le-Chantre

Les ouvriers mineurs ont été séparés du reste de la population et ont été dirigés

vers le Nord Pas de Calais pour travailler dans les mines alors que le reste de la

population a été transférée dans le département de la Vienne dans le village de

Brigueil-le-Chantre. Le voyage en train s’est achevé à la gare de La Trimouille.

Les réfugiés ont été transportés jusqu’à Brigueil en camion.

-7-

La vie des enfants à Brigueil

Les enfants allaient en classe car l’instituteur de Tromborn avait été évacué en

même temps et il faisait la classe à Brigueil. Les enfants des deux communautés

étaient mélangés dans les classes.

La vie des adultes

Les hommes qui n’étaient pas mobilisés, – il s’agissait surtout des anciens –

aidaient au travail dans les fermes. Ceux qui avaient un métier étaient requis

civil pour travailler dans des usines d’armement ou dans les Houillères.

Quels problèmes ont rencontrés les réfugiés ?

La langue était un problème surtout pour les anciens. Ceux qui avaient

fréquenté l’école à partir de 1919 allaient à l’école française mais les anciens,

nés avant 1919, avaient fréquenté l’école allemande à cause de l’annexion. Il y

avait donc la barrière de la langue pour ceux-là.

Quand ces personnes voulaient acheter quelque chose au magasin elles

emmenaient un jeune ou se débrouillaient comme elles pouvaient. Il y a eu des

situations cocasses et les gens n’avaient pas toujours ce qu’ils voulaient.

Les Mosellans n’étaient pas très bien considérés au début, mais les relations se

sont améliorées avec le temps.

Brigueil était un village de près de mille habitants. Certaines familles, les plus

chanceuses, étaient logées au bourg et les autres étaient disséminées dans les

fermes alentours ou dans les hameaux à plusieurs kilomètres du bourg et les

Lorrains ne se voyaient pas souvent.

Au cours des premiers jours, il fallait venir chercher la nourriture qui était

distribuée. Ensuite l’état versait dix francs par réfugié et par jour.Ils devaient

alors subvenir à leurs besoins.

-8-

III. Et pendant ce temps-là à Tromborn…

1. Les gardes frontaliers

Tout le monde avait été évacué sauf les gardes frontaliers. Il s’agissait

d’hommes mobilisés qui surveillaient trois postes fixes près des voies venant

d’Allemagne au cas où des patrouilles allemandes auraient pu s’infiltrer jusque

là. Ils s’occupaient des animaux, et des biens restés au village.

-9-

2. L’offensive allemande du 10 mai 1940

A l’offensive du 10 mai 1940 les Allemands ont attaqué partout. Ils ont

bombardé le village qui était visible de l’Allemagne. Dans un premier temps,

l’armée française a détruit la toiture de l’église et du clocher.

Puis, sous la pression de l’armée allemande, les Français se sont retirés, puis ont

détruit le village à partir de la Ligne Maginot.

-10-

IV Retour difficile en Moselle

1. Retour en Moselle

Le Maréchal Pétain signe l’armistice : la France est occupée, la Moselle et

l’Alsace sont annexées. Les hostilités cessent et les réfugiés peuvent rentrer.

En Août 1940 les Trombornois attendent le retour en Moselle, mais celui-ci sera

chaotique : ils faut reloger tous les habitants et seulement deux maisons ont

résisté aux bombardements. Celles-ci ont été restaurées par les Allemands pour

y loger le gestionnaire qui était chargé de cultiver les terres du village en

l’absence de leurs propriétaires.

Après un long voyage de retour les villageois trouvent refuge à Varize. Et en

1945, les premiers habitants pourront regagner le village.

-11-

2. La vie dans les baraques

A l’exception des deux maisons ci-dessus, les autres étaient éventrées, elles

n’avaient plus ni toiture, ni portes ni fenêtres.

En 1946, une trentaine de baraquements ont été construits pour loger les

sinistrés revenus de Varize. La population est revenue par étape car toutes les

baraques n’ont pas été érigées en même temps.

Les baraquements n’avaient pas de confort et il fallait aller chercher l’eau à la

fontaine.

Les baraquements servaient aussi d’école.

-12-

V. La reconstruction

1. La journée du 12 décembre 1948

La journée du 12 décembre 1948 a marqué un nouveau tournant dans la vie du

village. Ce jour-là les habitants ont assisté à une triple cérémonie.

Le préfet a posé la première pierre de la première maison construite, l’évêque a

béni la chapelle provisoire érigée près du cimetière, et un général a décerné la

croix de guerre avec étoile d’argent à la commune.

-13-

2. Reconstruction en plusieurs étapes

La reconstruction du village s’est faite par étapes successives par tranche d’une

dizaine de maisons.

3. Une nouvelle église

La nouvelle église fut construite plus tard, de 1959 à 1962. Son style est avantgardiste

et tranche avec les églises traditionnelles par sa forme et les matériaux

utilisés et la sobriété de son intérieur.

4. Un nouveau village

-14-

Aujourd’hui le village a changé. Il n’a plus la même forme : des routes et des

bâtiments ont été reconstruits pas toujours au même endroit. Le plan du village

est « comme tracé à la règle ».

Les activités économiques aussi ont changé. Il ne reste qu’une petite épicerie et

il n’y a plus qu’une seule école : la nôtre.

Notre village compte environ 300 habitants alors qu’en 1939 ils étaient 364.

-15-

VI. Qui sont les « Malgré-Nous » ?

1. Comment les Alsaciens Lorrains sont-ils devenus des Malgré-Nous ?

A la défaite de 1940, l’Allemagne a annexé la Moselle, le Bas-Rhin et le Haut-

Rhin. A partir de 1942, les jeunes de ces trois départements ont été mobilisés de

force par l’armée allemande et obligés de combattre sous l’uniforme allemand

contre leur gré.

130 000 Malgré-Nous dont 32 000 Mosellans ont été mobilisés de force. Il y

avait des volontaires mais ils n’étaient pas nombreux.

Ces soldats ne pouvaient pas s’opposer au combat : l’ennemi ne voyait que

l’uniforme et ne faisait pas la différence entre un Malgré-Nous et un soldat

allemand. Il combattait l’uniforme.

2. Où étaient-ils pendant la guerre ?

La plupart d’entre-eux étaient envoyés en Russie parce qu’on ne leur faisait pas

confiance.

3. Nous avons rencontré un Malgré-Nous

Nous avons rencontré Monsieur Robert Théobald qui a connu la triste époque

de l’histoire du village que nous venons de raconter et qui a été lui aussi un

Malgré-Nous.

Robert Théobald a été mobilisé en 1943. Il a été jusque devant Leningrad

(aujourd’hui Saint-Pétersbourg) en Russie où il a été blessé et où il a perdu une

jambe.

L’histoire tragique des Malgré-Nous a laissé de bien tristes exemples.

Le frère aîné de Monsieur Théobald a combattu dans l’armée française de 1939

à 1940 puis a été fait prisonnier et libéré. En 1942 il a été mobilisé dans l’armée

allemande.

Il avait également deux cousins. L’aîné a combattu avec l’armée française après

le débarquement alors que son frère a été enrôlé dans l’armée allemande. Les

deux frères sont morts au combat, l’un dans l’uniforme français et l’autre dans

l’uniforme allemand. Le hasard aurait pu les opposer.

VII. Bilan de la seconde guerre mondiale pour le village de Tromborn ?

-16-

1. Les victimes

Chez les militaires, cinq hommes sont morts au champ d’honneur et deux

hommes sont portés disparus.

Il y eu également des victimes civiles : un père est mort en camp de

concentration : il avait été déporté parce que son fils s’était enfuit pour échapper

à la mobilisation. Celui-ci a été rattrapé à la ligne de démarcation et il fut

également déporté.

Un homme a été tué à la libération de Varize : il était pris entre le feu des

Américains et des Allemands

La seconde guerre mondiale a fait neuf victimes dans le village de Tromborn.

2. Les témoins

A ce jour, quatre Malgré-Nous vivent encore au village. Ils sont la mémoire

vivante de ces heures sombres de notre histoire : témoins et acteurs de ces

tragiques instants ils ont vu leur pays tomber aux mains de l’ennemi, ont

combattu malgré eux à ses côtés pour épargner le pire à leurs proches. Pour

ceux qui sont rentrés, accablés et souvent blessés, ce village qui devait être un

foyer accueillant et rassurant n’était plus que ruine.

-17-

VIII. Un témoin privilégié

S’il savait parler, c’est lui qui aurait pu nous raconter avec le plus de précisions

ce qui s’est réellement passé durant ces années où le village était abandonné. Il

est la mémoire de cette période tourmentée.

Ce témoin trône majestueusement dans la cour de notre école : c’est notre

marronnier !

Ce grand-père (planté dans les années 20), aurait dû faire le bonheur des

habitués de la terrasse du café, mais l’histoire en a voulu autrement et la

reconstruction a permis qu’il soit dans la cour de l’école. Aujourd’hui c’est

notre bonheur qu’il fait. Il a traversé courageusement les décennies et garde les

secrets de centaines d’écoliers qui se sont réfugiés sous son ombrage.